Certains l'attendent chaque année avec impatience, probablement ceux-là même qui boivent la Christmas à Noël, mangent des caricoles à la foire du midi (moi aussi en fait) et des crêpes à la chandeleur.
D'autres, comme moi, déplorent le battage médiatique mis en branle en ce mois de novembre pour célébrer l'arrivée tant attendue du vitriol saisonnier, appelé aussi Beaujolais Nouveau.
Restauration oblige, me voilà donc confronté à la pression commerciale, et par conséquent à la quasi obligation de faire figurer du jus de chaussettes à la carte... Non pas par plaisir, mais par réel besoin de satisfaire une clientèle toujours avide de ce breuvage particulier.
Mais qu'est-ce qui fait le succès de ce liquide assimilé à du vin ?
J'ai tenté hier de répondre à cette question, ou tout du moins comprendre l'engouement suscité par la sortie de la cuvée 2006 de cet élixir...
Dégustation donc hier soir, histoire de savoir ce qu'on a acheté...
Les bouteilles de beaujolais pourraient gagner le concours des plus vilaines étiquettes de vin de France, tant les couleurs criardes et motifs naïfs sont choses courantes avec cette appellation. De notre côté, nous avions la représentation d'une nature morte, une table "à la française" de cuisine sur laquelle on retrouve une casserole en cuivre, une botte de céleri, un pot de moutarde et une miche de pain... Tout un programme, j'en ai déjà l'eau à la bouche...
Bouteille ouverte, premier centimètre versé, je suis agréablement surpris de ne pas être agressé par un nez banane chimique, habituelles saveurs dégagées par le Beaujolais ces dernières années. Bonne surprise donc, un nez fruité, allons voir ce que le palais en pense. Là, pas de surprise par contre : grincement de dents, puis on cherche le goût, car il a déjà disparu, enfui dans une texture sèche et légèrement amère. Je me demande même s'ils n'ont pas dilué ce vin avec de l'eau de sel. Ou alors ont-ils simplement oublié de mettre du vin dedans??
Première impression : pas de doute, c'est du Beaujolais nouveau !
Décidés à ne pas en rester là (deux caisses dans la cave, va falloir savoir le vendre...), direction le bac à glace, histoire de faire prendre le frais, espérant ainsi camoufler les défauts et mettre en valeur les "qualités".
20 minutes plus tard, second test. Forcément, il est toujours habillé d'une robe légère, agréable à regarder certes, mais nous rappelant que ce vin est un vin léger. Amélioration du nez sans conteste, le fruit rafraîchi nous annonce plus de subtilité au palais. C'est chose faite, on commence à lui trouver une qualité : il est frais. En cherchant plus loin, on constate effectivement une évolution positive, plus de rondeur, un fruit plus prononcé (pas de banane donc, mais toujours un fruit bien chimique, genre yaourt bon marché), mais toujours pas de vin à l'horizon... Au contraire, de légères aigreurs d'estomac se font pressentir (on comprend dès lors la présence d'une miche de pain sur l'étiquette... conseil à suivre !), et ce après seulement 2 cm... ça promet.
20 minutes sur glace, ça ne pourra pas lui faire de mal (n'étant pas fan des glaçons dans le vin, c'est l'option que nous privilégions). On le ressort, et là, forcément, le nez a quasi disparu, mais au goût on notera que le fruit est beaucoup plus prononcé, mis en valeur par cette réfrigération forcée. Le Beaujolais Nouveau se boira frais ou ne se boira pas.
Les aigreurs deviennent crampes.
C'est dans une certaine déception préméditée que nous nous regardons "toi aussi t'as mal au ventre??". Non, le Beaujolais Nouveau ne passera pas par moi. Il a beau tenir toutes ses promesses, je préfère encore du vin de messe. Je suggère de l'utiliser comme vin initiatique, à faire boire aux débutants ou aux alcooliques sevrés. Heureusement, ça ne va durer que quelques semaines, et, dans le fond, on n'est pas obligé d'en boire.
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